Je me souviens…

Je me souviens… de ma chérie

Je me souviens… que j’étais en cours de comptabilité chez Pigier tenu par Madame Level, boulevard Faidherbe à Arras, lorsque j’ai connu ma chérie qui devint plus tard mon épouse.

Janine mon épouse actuelle, travaillait rue Chanzy chez Monsieur Morel.

La première fois que je l’ai vue, j’ai de suite été séduit – Dieu qu’elle était belle ! Un beau physique d’Andalouse comme l’écrit ce Monsieur Mahut qui la considérait comme sa nièce. Janine l’appelait d’ailleurs tonton !

Lors de cette première rencontre, nous avons fait une bataille de boules de neige, il neigeait abondamment.

Par chez Carette où je travaillais à cette période, je lui procurais de la peau rose, puis mon épouse faisait confectionner des souliers à semelles de bois chez un chausseur du boulevard de Strasbourg.

C’est ainsi que peu à peu, les choses sont devenues plus sérieuses.

Je me souviens… fort bien, de son premier baiser, reçu en véritable cadeau, juste au dessous de la grande porte des établissements Deloraine, proche du boulevard Faidherbe, alors que j’allais en course rue Saint Michel chez « Tata Mone » (une sainte femme : la sœur de Papa).

La maman de Janine n’était pas trop d’accord de notre union naissante, mais notre amour fut naturellement plus fort.

Elvire, c’était son prénom, née en 1902, décéda en 1953, année de naissance de notre petit dernier !

Je me souviens… qu’alors que j’étais mineur à Estrée-Blanche, Janine venait à vélo jusque Houdain, pour me rencontrer.

Je me souviens… une fois de plus, lors d’un retour à vélo d’Estrée-Blanche, chargé sur l’arrière d’une grosse valise contenant beurre, œufs et lard (c’était la triste occupation) ; dans la descente vertigineuse d’Amettes, mon frein arrière vint à rompre – que cela ne tienne, je poursuivis ma route mais dans la terrible côte de Divion, le frein avant cassa, lui aussi et mon attelage fila et je ne pus m’arrêter. Pas moyen de sauter du vélo, la valise arrière m’en empêchait. Je me suis retrouvé dans un magasin en bas de la descente ; on m’a soigné et le lendemain, je pris le bus avec ma ferraille (mon vélo plié) pour rentrer sur Arras car Janine m’attendait au rond point de Tchécoslovaquie, tout proche de où nous habitons, maintenant depuis 1968.

Janine vint avec moi jusqu’à la Grand-Place car je rentrais alors chez mes parents qui logeaient rue du Cardinal.

Maman était bien entendu au courant de nos amourettes.

Près de la fenêtre du salon, un divan où je me reposais, de là, je pouvais voir ma chérie arriver… cette complicité de l’époque était déjà beaucoup !

Je me souviens… de ma première permission

Finalement, oui, j’ai réussi à prendre une permission pour Arras, le 24 décembre 1939, soir de la sainte nuit de Noël. Il neigeait très abondamment mais j’étais surtout fier de me rendre à la messe, une fois rentré sur Arras, en l’église de Saint Jean Baptiste, vêtu de mon bel uniforme d’aviateur et de porter ma superbe casquette.

Oui, je le répète, j’étais fier d’être soldat pour la patrie et mon papa, alors lui aussi !!!

Je me souviens… que ma petite sœur qui en fait est plus âgée que moi, m’a toujours bien gâté, déjà à cette époque là. Cette sainte nuit de Noël, elle m’offrit une eau de lavande de Coryse Salomé de la rue Désiré Delansorne, puis des cravates accompagnées de pochettes de chez Courdel de la rue Gambetta. Rien n’était trop beau pour son petit frère parti à la guerre.

C’est également ma sœur Marie-Thérèse qui était venue me rechercher au pensionnat des frères à Peruzvelt en Belgique, alors que mon grand père allait décéder… (Là encore de lourds souvenirs à vous conter.)

Eh bien Bon Papa a attendu que je revienne pour mourir et je me souviens parfaitement que je fus le seul à lui fermer les yeux.

Bon Papa, mon grand père est décédé, rue Jules Mathon, dans la chambre donnant sur le jardin, c’était en 1937.

Je m’en souviens, oh oui ; il était toujours de bonne humeur égale – chantonnait en se réveillant et n’ennuyait personne et fut toute sa vie très respecté de mon Papa, son beau fils.

Ah, il n’avait qu’un défaut, il fumait très peu la pipe, mais faisait les corvées de légumes de sa fille : Maman. Il ne faisait pas mais s’occupait de politique et m’avait appris par coeur les ministres de l’époque.

Naturellement, c’était la « droite » la meilleure !

je me souviens… de mes premiers jours en tant que soldat

J’ai pris le train Arras – Tours car j’étais soldat et fier de l’être – Engagé volontaire pour partir à la guerre !

A Tours, nous devions être réceptionnés par l’armée mais personne ne nous attendait ; à force d’attendre, nous nous sommes regroupés… nous les Bleus. Sans trop se connaître, nous avons été prendre un pot en ville.

Je me souviens…, nous buvions des  » fillettes  » de vin blanc de Touraine, puis le temps passait, passait.

Finalement pris de crainte d’être portés déserteurs, nous avons pris quelques taxis pour nous rendre à la base aérienne.

Ce n’était pas celle qui nous attendait et notre arrivée amena quelques perturbations administratives dans les bureaux militaires. Bref, nous étions toujours en civil et l’on nous a embarqués dans un petit autobus. Le chauffeur était mécontent et méchant à notre encontre. Arrivé près de Mettray, il a braqué brusquement vers la droite, en plein sur un ponton gravissant une rame de train de marchandises : il y eu 29 morts sur 32 jeunes recrues que nous étions – écrasés, broyés…

Incroyable, je me suis retrouvé à cheval sur un tampon de wagon et je revis tout en roulant, le bus s’écraser !

Grâce à Dieu, je n’ai eu que de légères blessures : deux doigts de la main gauche abîmés, c’était le 25 novembre 1939.

Je me souviens… être passé sous les raccordements des wagons pour arriver à la petite gare où le train devait s’arrêter. Là transféré à l’hôpital militaire de Tours, j’y suis resté jusqu’au 24 décembre 1939.

Je me souviens… que le major militaire, me voyant dans les blessés – vêtements déchirés, maculé de sang, m’a dit : « Mais qu’est-ce que tu fais là ? » Il m’avait pris pour un gamin ayant fait des fredaines.

J’ai relevé fièrement la tête et lui ai répondu : « Je suis soldat engagé, mon Capitaine. » Je m’en souviens parfaitement !

Triste souvenir, nous avons assisté (les rescapés) aux funérailles nationales des 29 petits gars, engagés et patriotes et lors de cette cérémonie, nous avons été décorés – j’avais, nous avions, 17 ans !

A l’hôpital, j’étais la mascotte – sans doute, un des plus jeunes soldats !

Je me souviens… de ma première cigarette

C’est à Sluis que – comme presque tout le monde – j’ai fumé ma première cigarette de tabac belge : une Belga.Lorsque c’était les vacances, un train spécial nous prenait à la porte du pensionnat et nous menait directement chez nous, en passant par Bruges, via Saint Omer et Hazebrouck. Là, nous changions de train, le temps d’aller boire une limonade dans un café face à la gare, contigu au grand magasin de rideaux Spas : les parents de mon très bon et très vieil ami, Jean-Marie Spas : pharmacien et biologiste bien connu sur Arras actuellement comme arboriculteur; il tenait pharmacie, rue Gambetta, face à la banque Dupont de Papa…

Pour en revenir au tabac, ma première pipe fut une pipe Ropp, celle-ci m’a été offerte par Maman le 25 novembre 1939, oui je m’en souviens, c’était une pipe carrée.
Curiosité : la marque mondialement connue de cette pipe est en fait la famille de l’ex-épouse de notre cousin Buriez, en fait la fille Ropp Edith…

Alors que Maman me conduisait à la gare, nous sommes passés devant chez « Paul », rue Gambetta et c’est là que ma Maman m’a acheté ma première pipe accompagnée de mon premier paquet de tabac Saint Claude.

Méta